Notre langue s’avachit.
Les temps du subjonctif disparaissent.
Le passé simple semble condamné.
Il me semble pourtant que notre premier combat linguistique ne devrait pas être là. Il y a plus urgent ; et en même temps plus facile.
En effet, notre façon de parler se dégrade. Je dis « notre », car je dois malheureusement m’inclure dans cette tendance fâcheuse.
Je propose donc que nous tentions de corriger ou d’atténuer trois défauts de notre langage.
Avant de prendre des mesures, je suggère à mes lecteurs deux démarches. La première est de s’écouter parler soi-même ; afin de constater d’abord si l’on est soi-même fautif (et je pense que ce sera malheureusement le cas de la quasi-totalité de mes lecteurs…). La seconde est d’écouter parler les gens autour de soi (dans la famille, au travail,…) en cherchant à voir si ces trois défauts sont massivement présents ; et ce sera sans doute le cas.
La phase suivante sera d’essayer de mieux parler, en corrigeant un ou plusieurs de ces défauts.
Ces trois défauts sont importants, mais plus faciles à corriger que l’emploi du subjonctif.
On peut illustrer ces trois défauts par la question : « On mange quoi ce soir ? ».
Le premier de ces défauts est la disparition de la forme interrogative, qui devrait se traduire par l’inversion du sujet et du verbe. Ecoutez-vous parler, et écoutez les gens parler : On mange quoi ce soir ? Tu pars quand ? Tu vas où ? Le film commence à quelle heure ? La route est comment ? Cà t’a coûté combien ? Pourquoi tu dis çà ?
La correction de ce premier défaut est facile. Et votre entourage ne vous regardera normalement pas avec de gros yeux écarquillés si vous dites : Où vas-tu ? A quelle heure commence le film ? Ce qui serait en revanche le cas si vous partiez en croisade pour le subjonctif et que vous disiez : Je voulais que vous vinssiez avec moi. Sans oublier la possibilité, voire la probabilité, de faire quelques fautes dans les conjugaisons du subjonctif…
Première correction donc, et la plus importante. Ne disons plus : On mange quoi ce soir ? Revenons à la construction correcte : Que mange-t-on ce soir ?
Deuxième défaut : la propension à dire « on » au lieu de « nous ». Recommençons donc à dire : Que mangeons-nous ce soir ?
Troisième défaut : la disparition du futur. Recommençons donc à dire : Que mangerons-nous ce soir ?
Pour conclure, la correction de ces trois défauts, et en priorité le rétablissement de la forme interrogative correcte, est à la portée de tous, et n’est pas de nature à « choquer ». En tous cas, c’est ce que j’essaie personnellement de faire depuis quelques années. Même si l’on ne parvient pas à un succès total, on arrive progressivement à relever son propre niveau de français. On contribue à relever celui de nos interlocuteurs en les réhabituant à un français correct, en les immergeant à nouveau dans un français plus élégant. Et c’est particulièrement important quand on s’exprime en présence d’enfants.