J’ai lu cet été « Le Monde et ses faux », ouvrage de 110 pages de Jean Madiran publié en 1997.
Son but n’est pas d’établir une étude exhaustive de l’histoire du quotidien le Monde, mais de présenter quelques cas concrets.
D’après l’auteur, lorsque le Monde publie des faux, volontairement ou en ayant été trompé, il ne s’en explique pas, ni ne rectifie. Lorsqu’il rectifie, c’est sur des broutilles. « Le Monde peut, comme tout un chacun, se tromper ou être trompé. Il ne rectifie pas. Plus exactement, il multiplie avec componction et solennité les rectifications sans importance : le monsieur qu’il a prénommé Charles-Henry s’appelle Charles-Joseph, mille excuses ; la distance qu’il avait indiquée de 14 km 447, il est vraiment navré, elle n’est que de 14 km 318 ».
Prenons ici trois exemples cités par Jean Madiran.
Tout d’abord, le « faux Fechteler ». Le Monde publiait le 10 mai 1952 un rapport secret de l’amiral américain Fechteler, chef des opérations navales américaines, qui prévoyait de ne pas aider l’Europe en cas d’invasion soviétique. Le Monde n’a jamais reconnu que ce « rapport » était un faux, ni ne s’est jamais expliqué en détails sur cette publication mensongère qui, en pleine guerre froide, visait à faire croire aux Français que les Etats-Unis ne défendraient pas leurs alliés européens.
Le second exemple ne concerne pas le Monde proprement dit, mais son directeur, Jean-Marie Colombani. Dans une émission télévisée, présentée le 17 décembre 1987 par Anne Sinclair et Jean-Marie Colombani, était diffusé un enregistrement audiovisuel de Jean-Marie Le Pen qui disait : « Je ne dis pas que les chambres à gaz n’ont pas existé ». L’enregistrement diffusé fut le suivant : « Les chambres à gaz n’ont pas existé ». La justice décréta en 1988 que cette amputation de la déclaration de Jean-Marie Le Pen ne fut qu’une erreur technique. En tous cas, relève Jean Madiran, il n’y a pas eu d’excuse ni de rectification : « Des millions de téléspectateurs ont ainsi vu et entendu eux-mêmes, de leurs propres yeux, de leurs propres oreilles, d’une manière inoubliable, Le Pen faire une telle déclaration. Ils n’ont jamais été détrompés ».
Le troisième exemple concerne encore Jean-Marie Le Pen. Dans un article du Monde du 16 avril 1996, Christiane Chombeau cite Jean-Marie Le Pen. Jean Madiran publie un extrait de l’article du Monde, ainsi que du discours original de Jean-Marie Le Pen. Les voici :
Le Monde : « La manifestation du front national, samedi 13 avril à la Mutualité, à Paris, pour le 1500ème anniversaire du baptême de Clovis, a été l’occasion pour le parti d’extrême-droite d’exprimer son rejet des francs-maçons, des communistes et des immigrés. Ces immigrés qui, pour Jean-Marie Le Pen, sont « non désirés » ou « indésirables », « coûtent des fortunes », « ruinent la sécurité sociale, paralysent l’enseignement, colonisent nos villes et nos villages », « et encombrent les prisons, violent, tuent….. ».
Le texte du discours de Jean-Marie Le Pen : « Les millions d’immigrés non désirés ou indésirables coûtent des fortunes, ruinent la sécurité sociale, paralysent l’enseignement, colonisent les banlieues, les villes et souvent les villages, encombrent les tribunaux et les prisons. Leurs éléments marginaux agressent, volent, violent, se conduisent comme en pays conquis, bravent l’autorité, s’attaquent aux agents des services publics et à la police ».
Ainsi que le note Jean Madiran, et qu’on peut le vérifier en comparant les deux extraits ci-dessus, Christiane Chombeau écrit que Jean-Marie Le Pen a dit : « Les immigrés encombrent les prisons, violent, tuent ». Alors qu’il a réellement dit : « Les immigrés encombrent les prisons ; leurs éléments marginaux agressent, volent, violent ». La mention « leurs éléments marginaux » a été supprimée par la journaliste du Monde ; et le mot « tuent » a été ajouté. Jean Madiran indique que le Monde n’a jamais rectifié ; et que cette version truquée du discours de Jean-Marie Le Pen a été abondamment reproduite dans d’autres organes de presse avec la mention : « Jean-Marie Le Pen, cité par le Monde, 16 avril 1996 ».
Pour conclure, un ouvrage intéressant, mais qui mériterait probablement une nouvelle version, vérifiée et complétée, par quelqu’un de la jeune génération, n’ayant pas pris part aux controverses présentées.