Un départ éventuel de la Grande-Bretagne de l’Union européenne devait déclencher l’apocalypse.
Depuis les résultats du référendum, on attend donc l’effondrement, qui ne vient pas.
Certes, la livre sterling a baissé par rapport à l’euro ; mais c’est sans doute plus une mauvaise nouvelle pour les pays de la zone euro que pour le Royaume-Uni.
Certes les bourses ont baissé. Mais elles ont plus baissé dans la zone euro qu’à Londres. Et de toute façon, elles ont aussitôt repris le chemin de la hausse.
Il ne reste plus grand chose pour faire peur. Mais il faut quand même continuer dans ce registre ; ce qui donne parfois des propos grand-guignolesques.
Ainsi, le journaliste Philippe Bernard présente-t-il dans le Monde la nouvelle situation au sein du parti conservateur. Le ministre conservateur de la Justice, le pro-Brexit Michael Gove, a lâché son allié le pro-Brexit Boris Johnson, ancien maire de Londres, qui envisageait d’être premier ministre. Boris Johnson a donc jeté l’éponge, et ne sera pas candidat au poste de premier ministre, pour lequel ne subsistent que cinq candidats, dont le ministre de l’Intérieur Theresa May. Petites manœuvres politiques, peut-être pas très reluisantes, mais finalement assez classiques dans la conquête du pouvoir ; et il semble y avoir des candidats sérieux pour assurer la fonction de premier ministre. Les députés conservateurs vont donc voter, et en septembre ou octobre le premier ministre David Cameron aura un successeur. Rien que de très banal, et les institutions britanniques sont respectées et fonctionnent normalement.
Ce qui en revanche n’est pas banal, c’est le titre de l’article du Monde : « Brexit : après l’abandon surprise de Boris Johnson, le Royaume-Uni au bord du chaos ». Au bord du chaos ! Quel chaos ? Ridicule !
A titre de comparaison, regardons un article sur un autre pays : le Vénézuéla. L’article de Jean-Michel Caroit2 rapporte les débats de l’assemblée générale de l’OEA (Organisation des Etats américains), sous le titre : « En pleine crise politique, le Vénézuela reprend langue avec les Etats-Unis ». L’article ne précise pas en quoi consiste la crise vénézuélienne, ce qui néanmoins n’est pas condamnable en soi, le sujet traité étant la réunion de l’OEA. Mais il faut quand même savoir qu’au Vénézuéla, pays du socialisme bolivarien, la plupart des magasins d’alimentation sont vides, et ceux qui ont de la nourriture rassemblent des files d’attente dignes de la grande époque de la Pologne socialiste ; que l’électricité n’est pas fournie en permanence ; que cette situation provoque pillages et émeutes de la faim ; que face à l’affaiblissement de l’Etat et des forces de l’ordre, des scènes de lynchage commencent à apparaître, comme celle où ce Vénézuélien, soupçonné d’un vol de 5 dollars, a été tabassé et brûlé vif.
Mais le Vénézuéla n’est qu’en « crise », alors que le Royaume-Uni est « au bord du chaos », parce qu’il va changer de premier ministre dans 3 mois et qu’il n’y aura que 5 candidats au poste, au lieu de 6 !
Sérieusement ! Si vous deviez quitter la France. Vous emmèneriez vos enfants et vos économies dans la petite « crise » vénézuélienne, ou dans le « chaos » londonien ?
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1- Philippe Bernard : « Brexit : après l’abandon surprise de Boris Johnson, le Royaume-Uni au bord du chaos », le Monde, 1er juillet 2016 (site Internet)
2- Jean-Michel Caroit : « En pleine crise politique, le Venezuela reprend langue avec les Etats-Unis », le Monde, 17 juin 2016 (site Internet)