Les lendemains des attentats de novembre ont été bien différents de ceux de janvier.
D’abord parce qu’ils n’ont pas permis la même double manipulation.
D’abord la manipulation Charlie. La condamnation des attentats devait comporter une adhésion à l’idéologie et aux us et coutumes de certaines des victimes, le journal ordurier d’extrème-gauche Charlie-Hebdo en l’occurence; la condamnation du terrorisme a été très habilement mêlée à une propagande insensée en faveur de Charlie-Hebdo. Les attentats du 13 novembre n’ont pas pu donner lieu à une manoeuvre de propagande similaire.
La manipulation contraire consistait à dire: « ils l’ont bien mérité ». C’est-à-dire que si les dessinateurs de Charlie-Hebdo ont été tués, c’est parce qu’ils avaient dessiné Mahomet, pas toujours de manière sympathique, et que c’était donc de leur faute. Quoi qu’on pense de leurs dessins, ce raisonnement consistait à légitimer ces assassinats. Le même raisonnement pouvait être exposé, de manière encore plus ignoble, pour les autres victimes: intrinsèquement, les clients tués du supermarché juif l’avait aussi un peu mérité, parce qu’ils étaient juifs. Le 13 novembre, en tuant des gens au hasard aux terrasses des cafés et des restaurants, les terroristes voulaient terroriser plus de monde; mais, ce faisant, ils ont ôté toute légitimité à ce qui expliquent qu' »ils l’ont bien cherché ».
Cette double manipulation étant impossible à renouveler, l’unité nationale a été moins factice qu’en janvier.
Bien sûr, il y a eu les habituels refrains. Pas d’amalgame, pas d’amalgame, pas d’amalgame, pas d’amalgame! Pas d’amalgame entre les terroristes et les musulmans. C’est un raisonnement assez imbécile quand même que de prétendre que les terroristes ne sont pas musulmans, sous prétexte que tous les musulmans ne sont pas des terroristes; c’est débile. On a aussi essayé de nous répéter que « les premières victimes des attentats sont les musulmans »; parce que les pauvres musulmans vont être soupçonnés par tout le monde maintenant, et que ce n’est pas très gentil, et que à cause de çà, ils vont être très malheureux; mais cette rengaine s’est rapidement estompée, tant c’était indécent en comparaison des vraies victimes de ces attentats.
Il y a aussi eu la tentation pacifiste. On a pu voir temporairement sur certaines chaînes des gros plans complaisants sur certains slogans écrits sur des papiers sur les lieux des attentats. Notamment « vos guerres, nos morts », slogan de bobo pacifiste qui croit que parce que lui ne veut pas faire la guerre, les islamistes vont gentiment ne pas la lui faire. D’ailleurs, ce n’était pas « vos guerres, nos morts », qui est horriblement passéiste; c’était « vos guerres, nos mort-e-s », parce que c’est la nouvelle manière de gribouiller des gens à la mode.
Le pacifisme s’est aussi exprimé dans un symbole créé après ces attentats. Il reprenait le symbole des lâches, les « peace and love », les « plutôt rouges que morts » qui préféraient se rendre aux Soviétiques sans combattre plutôt que défendre leur pays face à une invasion; le cercle, coupé par une barre verticale, avec un trait partant en oblique, à partir du centre, en bas à droite, et un autre symétriquement à gauche. Un nouveau symbole s’en inspirant, un cercle, avec la Tour Eiffel à l’intérieur a été créé. Mais ce nouveau symbole des « peaceurs » et des « peaceuses » n’a pas été massivement utilisé. Mais il l’a quand même parfois été. Ainsi, la chaîne de télévision I-Télé a fait la peaceuse pendant une journée, en affichant en permanence ce symbole de lâcheté en bas à droite de l’écran.
Comme d’habitude, beaucoup d’hommes politiques, de journalistes, de commentateurs ont eu beaucoup de difficultés à employer le mot « France ». De la même manière qu’en janvier, ils ne disaient pas que c’était la France qui était attaquée, mais la liberté d’expression. Cette fois-ci, c’était la jeunesse, la république, notre mode de vie.
Mais il semble que pour une grande partie de la population, ce qui était attaqué, c’était la France. Et plutôt qu’une attitude de lâcheté de peaceur et de peaceuse, c’était une attitude courageuse de défense qui était privilégiée. Un baromètre de ce patriotisme a été le déferlement de bleu-blanc-rouge sur Internet. Le réseau social américain « Facebook » a installé un dispositif permettant de mettre automatiquement, pour ceux qui le souhaitaient, un drapeau français en surimpression sur les photos des membres. Nonobstant quelques rares grincheux qui croient stupidement que le drapeau français est un symbole fasciste, un grand nombre de Français s’est naturellement virtuellement colorié en tricolore. On peut aussi se féliciter que la devise millénaire de Paris, « fluctuat nec mergitur », ait été brandie comme signe de ralliement et de volonté de défense; mieux vaut une vieille devise latine ancrée dans notre Histoire, qu’un logo ou un slogan de communication.
Les hommes politiques étaient dépassés par une vague tricolore. Plus que le patriotisme, c’est un sentiment de colère diffuse qui traversait le pays.
Le président français, François Hollande, décida de prononcer un grand discours, et, pour lui conférer un caractère plus solennel, il le prononça devant l’Assemblée nationale et le Sénat réunis en Congrès à Versailles. Certaines des mesures qu’il annonça sont plutôt positives, comme par exemple le renforcement ou l’arrêt de la baisse des effectifs de l’armée, de la police et des douanes. Mais, plus que la clairvoyance, c’est plutôt une panique politicienne qui semblait inspirer le président français, qui recyclait allègrement les propositions hier moquées ou fustigées de ses opposants. Avec quelques bouffonneries significatives; le président affirme que les peines vont désormais être « significativement alourdies »; à quoi çà sert? Avant d’alourdir les peines, ne devrait-il pas faire en sorte qu’elles soient exécutées? En France aujourd’hui, des gens sont condamnés à de la prison à de multiples reprises, et ne mettent pas les pieds en prison. Grâce à la nouvelle fermeté du président Hollande, les criminels condamnés à 5 ans de prison qui n’effectuaient pas un seul jour en prison, seront désormais condamnés à 10 ans de prison et n’effectueront pas un seul jour en prison. On peut s’en amuser, mais çà commence vraiment à ne plus être très amusant. Je ne commenterai pas ici la mascarade qu’a constituée sa proposition de modifier la constitution pour lutter contre le terrorisme. Et il réussit à terminer son discours sur le terrorisme qui touchait la France, sans prononcer les mots « musulman », ni « islam ».
Bref, rien de nature à réellement contenir ni les inquiétudes, ni la colère.
Parce que la question lancinante est: pourquoi certaines mesures n’ont-elles pas été prises après les attentats de janvier?
Le ministre de l’Intérieur annonce des expulsions d’imams extrémistes; très bien. Mais pourquoi cela n’a-t-il pas été fait plus tôt?
L’état d’urgence a permis des centaines de perquisitions les nuits, de saisie d’armes; très bien. Mais pourquoi cela n’a-t-il pas été fait plus tôt?
Enfin, il est stupéfiant de constater à quel point le gouvernement pense que les Français n’ont pas de mémoire. Certes, l’actualité chasse l’actualité, mais on n’oublie quand même pas tout….
Deux des terroristes seraient entrés en Europe dans le flot d’immigrés qui arrivent massivement en Europe par la Grèce. Quasiment tout le personnel politique et médiatique ne nous affirmait-il pas depuis des mois que cette éventualité n’était qu’un fantasme sans fondement du front national?
Le ministre de l’Intérieur nous explique que les frontières extérieures de l’Europe sont des passoires, et qu’il faut maintenant les contrôler très strictement. Très bien. Mais nous n’avons pas oublié que c’est précisément ce qu’a fait la Hongrie, dont la frontière était franchie de manière massive et anarchique, et qui a construit une clôture, pour obliger tout le monde à la franchir sur les points de contrôle officiels. Quasiment tout le personnel politique et médiatique n’a-t-il pas dénoncé ces horribles Hongrois qui voulaient contrôler leurs frontières? Et aujourd’hui ils veulent faire pareil, mais en oubliant de dire que la Hongrie avait raison.
Une des premières mesure après les attentats a été de rétablir les contrôles aux frontières. Plus récemment, le ministre de l’Intérieur s’est félicité des résultats de ces contrôles. Pourtant, quasiment tout le personnel politique et médiatique ne nous répète-t-il pas depuis des décennies que c’est impossible? Ne nous a-t-il pas répété que, si c’était fait, ce ne serait d’aucune efficacité? Que de telles mesures n’étaient proposés que par des « populistes » démagogues qui n’avaient aucune mesure sérieuse ni réaliste à proposer? Voilà que l’impossible et l’inefficace s’est révélé possible et efficace en quelques jours….
Mais après? Que se passera-t-il après? Que se passera-t-il quand l’émotion sera retombée? On fait comme avant? On réouvre les frontières? On attend le prochain attentat?