Le 7 mai 2015 avaient lieu les élections législatives britanniques.
La Chambre des Communes est composée de 650 députés, élus au suffrage uninominal majoritaire à un tour. Pas de second tour, donc, le candidat arrivé en tête dans chaque circonscription est élu. La majorité à la Chambre est donc de 326 sièges.
Le premier ministre sortant, David Cameron, était à la tête d’une majorité composée des conservateurs (306 sièges) et des libéraux-démocrates (57 sièges) depuis 2010.
Les sondages, les commentateurs et les experts avaient décidé que le résultat des élections serait serré, et que les travaillistes arriveraient au gouvernement en formant une coalition avec des petits partis.
Ce fut le contraire qui arriva. David Cameron reste premier ministre, car son parti obtient désormais seul la majorité à la Chambre, en passant de 306 à 331 sièges. Le parti travailliste n’a pas profité de l’usure du pouvoir de son adversaire conservateur; il passe de 256 à 232 sièges. Victoire sans appel pour les conservateurs.
Pourtant, le score obtenu par les conservateurs et les travaillistes est resté stable. Les conservateurs, qui avaient obtenu 36,1% des voix en 2010, recueillent 36,9%. Les travaillistes, qui avaient obtenu 29% en 2010, obtiennent 30,4%.
L’analyse circonscription par circonscription ne montre pas de transfert de sièges des travaillistes au profit des conservateurs. Les conservateurs gagnent 8 circonscriptions auparavant détenues par les travaillistes; les travaillistes gagnent 9 circonscriptions auparavant détenues par les conservateurs.
Les libéraux-démocrates s’effondrent. En 2010, ils obtenaient 23% et 57 sièges. En 2015, ils tombent à 7,9% et 8 sièges. Les travaillistes prennent 12 sièges aux libéraux-démocrates; les conservateurs prennent 27 sièges à leur ancien allié.
Le SNP (parti national écossais) effectue une percée remarquable, en emportant 56 des 59 sièges de députés en Ecosse, alors qu’il en avait emporté 6 aux élections de 2010. Ce parti nationaliste de gauche gagne 10 circonscriptions auparavant détenues par les libéraux-démocrates, et 36 auparavant détenues par les travaillistes. Il obtient 50% des voix en Ecosse, contre 19,9% en 2010; son précédent record aux élections législatives britanniques datait d’octobre 1974, où il récoltait 30,4% des voix en Ecosse, et gagnait 11 des 71 sièges écossais.
La victoire des conservateurs n’est donc pas le résultat d’une forte poussée en voix, mais la conséquence de l’effondrement des libéraux-démocrates, dont ils bénéficient. Les travaillistes ont profité dans une moindre mesure de l’effondrement libéral-démocrate, mais ont été fortement handicapés par la poussée nationaliste écossaise qui s’est largement réalisée à leur détriment.
Le UKIP (United Kingdom Independence Party) n’obtient qu’un seul député. Ce mouvement eurosceptique n’en avait obtenu aucun en 2010. Il avait néanmoins 2 députés sortants. En 2014, 2 députés conservateurs avaient rejoint le UKIP; ils avaient démissionné de leur mandat de député, s’étaient présenté à l’élection partielle et avait regagné leur siège sous l’étiquette de leur nouveau parti. Le UKIP était arrivé en tête aux élections européennes de 2014, en obtenant 27,5% des voix. Il n’obtient que 12,6% aux élections législatives de 2015, sans doute victime du mode de scrutin et du « vote utile » en faveur du premier ministre conservateur sortant.
Le UKIP semble néanmoins solidement ancré dans sa trajectoire ascendante. Aux élections européennes, il est passé de 16,6% aux européennes de 2009 à 27,5% en 2014. Aux élections législatives britanniques, il est passé de 3,1% en 2010 à 12,6% en 2015. Avec seulement 1 siège, il est le dixième parti au parlement britannique, derrière les conservateurs (331 sièges), les travaillistes (232 sièges), le SNP (56 sièges), les libéraux-démocrates (8 sièges), les protestants irlandais du DUP (8 sièges), les républicains irlandais du Sinn Féin (4 sièges), les nationalistes gallois du Plaid Cymru (3 sièges), les sociaux-démocrates du SDLP (3 sièges) et les protestants irlandais de l’UUP (2 sièges). Alors qu’en voix (12,6%), il est le troisième parti, derrière les conservateurs et les travaillistes, mais devant les libéraux-démocrates (7,9%) et le SNP (4,7% à l’échelle nationale).
L’influence du UKIP a été très importante, car c’est probablement son ascension qui a conduit David Cameron à promettre un référendum sur l’Europe avant 2017 s’il était réélu.
C’est pourquoi ces élections britanniques produiront des effets très importants pour les autres pays européens dans les deux prochaines années. Tout d’abord, le référendum sur la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne: la campagne électorale en vue du référendum aura des conséquences sur les peuples des autres pays européens; une victoire éventuelle des partisans de la sortie, encore plus. Ensuite, la très forte poussée du SNP pourrait conduire à vouloir un nouveau référendum sur l’indépendance de l’Ecosse; attitude qui serait probablement renforcée en cas de sortie de la Grande-Bretagne de l’Union Européenne, le SNP étant plutôt favorable au maintien de l’Ecosse dans l’UE.
2015-2018: sans doute 3 années essentielles pour la Grande-Bretagne et l’UE.