A la fin du siècle dernier, le président Chirac a suspendu le service militaire.
Depuis, la question d’un rétablissement réapparaît régulièrement dans le débat public, sur les télévisions ou les réseaux sociaux.
Deux raisons pourraient motiver ce rétablissement. Tout d’abord son utilité militaire, son utilité opérationnelle. Ensuite, ce qu’on pourrait appeler son utilité sociale.
L’utilité opérationnelle est quasi-absente de ce débat. Elle devrait pourtant en être le cœur. Son utilité immédiate d’abord : des conscrits formés utilisables immédiatement. On peut aussi penser à une utilité opérationnelle différée : des réservistes utilisables par les armées juste après le service, des recrues pour une garde nationale, des effectifs mobilisables en temps de crise. Mais cet aspect ne semble passionner personne.
La vraie motivation, c’est son utilité sociale. Selon ceux qui défendent un nouveau service militaire, cette utilité serait éducative, intégratrice.
Petit aparté : il serait peut-être intéressant de savoir qui a vraiment fait un vrai service militaire parmi ses promoteurs actuels. Mais passons…
Ce qui est sans doute problématique, c’est une vision plus ou moins fantasmée du service militaire en particulier, et de l’armée en général.
Le premier fantasme est de voir l’armée plus ou moins comme un grand camp scout, ou une colonie de vacances à visée pédagogique. Ce n’est évidemment pas le cas. Pour ceux qui ont cette vision, plutôt que de chercher à relancer le service militaire, mieux vaut aider les mouvements scouts traditionnels.
Le second fantasme vient de la gauche et de l’extrême-gauche, en particulier ceux qui n’ont pas fait de service militaire, ou ont réussi à faire un service militaire de « planqué ». Il ne connaissent rien à l’armée, et n’en ont qu’une idée façonnée par leur antimilitarisme. Leur vision a infusé dans la société via films, livres, émissions. En résumé, pour eux, l’armée est plus ou moins un système carcéral, et les casernes sont des prisons. L’encadrement militaire serait constitué de garde-chiourmes qui brimeraient les soldats. Cette vision a d’ailleurs pu être renforcée par moult émissions de télévision sur les « boot camps » aux Etats-Unis à partir des années 1980 ; ces camps étaient destinés à remettre dans le droit chemin de jeunes délinquants en les encadrant militairement dans des activités physiques intenses. Ca a fait de bien belles images télévisées de personnel d’encadrement militaire en uniforme hurlant sur des jeunes et leur faisant faire des pompes et des tractions.
Ces fantasmes ont dérivé pour s’amarrer à une vision sociale historique assez juste du service militaire français. En plus de son utilité opérationnelle, le service militaire a joué un rôle de creuset national. En effet, le service permettait de mélanger les appelés de différentes régions, et de différentes classes sociales dans une fraternité forgée par l’entraide nécessaire inhérente à certaines activités militaires. Les appelés des différentes classes sociales pouvaient se côtoyer dans une relation plus égalitaire que dans la vie civile. Le service militaire a donc pu renforcer la cohésion nationale.
Le service militaire a pu renforcer la cohésion nationale. Mais pas la créer.
Or le problème actuel est là. Car ce qu’on voudrait d’un nouveau service national, c’est qu’il crée un nouveau sentiment national.
Car le non-dit, l’éléphant au milieu de la pièce, c’est encore une fois l’immigration massive, plus précisément les descendants de l’immigration massive extra-européenne, qui sont moins assimilés que leurs parents, voire pas assimilés du tout. Car si certains veulent rétablir le service militaire, même s’ils ne le disent pas clairement, c’est à cause de l’absence de sentiment national français, voire de l’existence d’un sentiment antifrançais chez des descendants d’immigrés.
Et ce nouveau service militaire créerait du sentiment national, et transformerait sûrement de surcroît les délinquants en honnêtes gens.
Mais ces effets restent à démontrer.
Car pour l’instant, c’est juste une position idéologique fantasmée, et sans réel fondement. Un peu comme le blabla sur les « valeurs » du sport qui transformeraient les délinquants en honnêtes gens.
Ce nouveau service militaire n’aurait-il pas au contraire des effets indésirables, sans apporter aucun bénéfice, ou que de minimes bénéfices ?
Un délinquant qui se met à s’entraîner à la boxe devient-il honnête, ou devient-il un délinquant encore plus performant dans sa capacité à tabasser des gens ? Le nouveau service militaire va-t-il transformer des délinquants et criminels islamistes anti-français en honnêtes et fervents patriotes ? Ou va-t-il créer de la cohésion, du lien entre les délinquants, connecter les réseaux criminels, leur permettre de nouveaux recrutements, et créer une nouvelle génération de délinquants islamistes sachant utiliser les lance-roquettes et manier les explosifs ?
Vous l’avez compris, je suis assez sceptique sur la création d’un nouveau service militaire fondée uniquement sur la volonté d’éduquer la jeunesse française d’origine immigrée.
Deux derniers points que je ne développe pas mais qui sont à prendre en compte dans ce débat.
Le premier, c’est la place des femmes. Il est évident que ce nouveau service militaire serait aussi obligatoire pour les filles, égalité et féminisme obligent. Je ne sais pas si elles ne ressentiront pas un certain « sentiment d’insécurité » dans certaines casernes.
Le second, c’est évidemment le coût de la mise en œuvre de cette mesure, par exemple en frais de personnel ou de construction de casernes.